Observatoire des médias sociaux en relations publiques

Fiches de lecture

Du concept d’espace public à celui de relations publiques généralisées

George, Éric. 1999. « Du concept d’espace public à celui de relations publiques généralisées ». 13 p. [En ligne] : http://www.commposite.org/index.php/revue/article/view/14.

Résumé de l’auteur

Nous proposons d’aborder dans cet article le concept d’espace public dans un contexte dominé par le double processus d’industrialisation et de marchandisation de la culture. Dans un premier temps, nous commencerons par revenir sur la façon dont Jürgen Habermas a envisagé le développement de la presse en tant qu’élément constitutif de l’espace public. En nous intéressant plus particulièrement à la façon dont la presse a été récupérée par la sphère marchande, nous verrons combien cette analyse de Jürgen Habermas est utile à la compréhension de la transformation actuelle de l’espace public. C’est dans le même esprit que nous présenterons ensuite les travaux plus récents d’Yves de la Haye et de Bernard Miège qui développent le concept de “relations publiques généralisées” qui nous semble pertinente pour caractériser l’évolution de l’espace public depuis ces vingt dernières années. Enfin, nous verrons justement en quoi ces deux concepts sont susceptibles d’éclairer quelques travaux effectués depuis une dizaine d’années sur le rôle des journalistes dans des sociétés prétendument démocratiques.

Fiche réalisée par Julien Watine

Mots-clés


Espace public, relations publiques, culture, Habermas, presse.

Keywords


Public sphere, public relations, culture, Habermas, media.

Mis en contexte


Dans le vaste champ de la communication publique, plusieurs ouvrages sont considérés comme fondamentaux, les concepts dont ils traitent étant parfois le point de départ d’une réflexion sur une facette du monde social et communicant. C’est précisément le cas du premier ouvrage de Jürgen Habermas, « L’espace public », paru en 1962. Rappelons que le concept d’espace public y est défini comme étant « le processus au cours duquel le public constitué d’individus faisant usage de leur raison s’approprie la sphère publique contrôlée par l’autorité et la transforme en une sphère où la critique s’exerce contre le pouvoir de l’État. » George cherche ici à vérifier comment s’est établie la transition entre ce concept d’espace public et celui des relations publiques généralisées, telles que nous les connaissons aujourd’hui.

Revue de littérature et cadre théorique


L’auteur se base au départ sur les réflexions du sociologue et politiste français Éric Neveu (1995). D’après celui-ci, les critiques et démarches entreprises dans la foulée du concept d’espace public se sont dirigées dans deux grandes directions. D’une part, les critiques allaient dans le sens de la comparaison avec des travaux antérieurs dont Habermas s’était inspiré. Ces critiques remettaient souvent en question certains aspects du concept d’espace public. D’autre part, ce concept a souvent été réutilisé et simplifié de façon abusive pour expliquer certains phénomènes comme celui de la culture de masse comme distraction.

Neveu notera toutefois trois pistes de recherche fondamentales léguées par Habermas :

  1. L’analyse des évolutions de la sociabilité familiale et conviviale et le déplacement des frontières entre espaces publics et privés;
  2. La prise en compte de nouveaux lieux de débat et leur importance en tant que lien social;
  3. La réflexion autour de l’existence d’espaces publics partiels et pluriels qui remet en cause une vision trop unitaire de l’espace public.

Avec ce cadre théorique, l’article aborde le concept d’espace public dans le contexte des processus modernes d’industrialisation et de marchandisation de la culture. Il se sert, en plus des travaux d’Habermas, des réflexions de Bernard Miège (1995, 1997) qui a établi les quatre grandes formes qu’a pris l’espace public avec le temps.

Démarche méthodologique


C’est donc par une démarche chronologique que Éric George retrace — brièvement — l’apparition des premières formes d’espace public, son apogée, et son lent déclin avec la transformation de la publicité et de la presse. C’est d’ailleurs vers le quatrième modèle, celui des relations publiques généralisées, que se dirige de plus en plus le concept en question.

Résultats


Pour l’auteur, ces concepts d’espace public et de relations publiques généralisées peuvent se révéler très utiles, notamment pour la recherche. En effet, le rôle des médias de masse, la pratique du journalisme et le concept de la démocratie représentent des enjeux chers à la communication, qui est plus est dans un contexte d’industrialisation et de marchandisation.

L’hypothèse de l’auteur, c’est que le journalisme d’opinion du XVIIIe siècle a été peu à peu remplacé par un journalisme d’information — associé aux médias de masse — et que l’on en est arrivé aujourd’hui à une époque où le journalisme est de plus en plus structuré par les pratiques de relations publiques. Pour George, à chacun de ces « glissements », le journaliste voit son rôle et son importance dans la sphère du débat d’idées public et citoyen s’affaiblir.

Deux raisons peuvent ainsi expliquer cela. D’abord, les institutions en tout genre « prémâchent » le travail des journalistes par une information travaillée. Ensuite, l’information voyage de façon circulaire, selon une hypothèse de Bourdieu (1997). George s’interroge donc finalement sur la qualité et la diversité des informations diffusées par les médias aujourd’hui.

Discussion : pistes de réflexion


L’article explore ainsi des thèmes très vastes de la communication publique : espace public, évolution de la presse et de la publicité, industrialisation et relations publiques. En cherchant à expliquer le glissement de l’espace public « habermasien » vers les relations publiques généralisées, l’auteur explore les théories d’autres auteurs. On pense notamment aux quatre modèles correspondant aux différentes formes de l’espace public tels que décrits par Miège. Le texte nous permet ainsi d’effectuer un survol global et concis de la communication, toujours dans la perspective de la théorie d’Habermas. Il permettra également aux relationnistes curieux d’établir des liens avec le concept d’espace public.