Observatoire des médias sociaux en relations publiques

Fiches de lecture

De l’interphone à internet : les alertes et la communication en situation d’urgence dans une société de risques et de réseaux

Bérubé, P. & Harvey, P.-L. 2012. « De l’interphone à internet : les alertes et la communication en situation d’urgence dans une société de risques et de réseaux », Thèse de doctorat en communication D2345 (pp. xiii, 245 f.). Montréal: Université du Québec à Montréal.

Résumé des auteurs :

Les événements dramatiques vécus sur plusieurs campus universitaires et collégiaux, dont notamment au collège Dawson en 2006 et à l’université Virginia Tech en 2007, ont mis en lumière la très grande importance du téléphone portable comme outil de communication en pareille situation d’urgence, notamment pour les étudiants et leurs proches. Cette recherche s’intéresse à tous les membres de la collectivité universitaire, cherchant à mieux connaître leurs moyens de communication et leurs attentes en matière d’alerte en diverses situations. Elle porte une attention particulière à l’adoption et aux usages des nouveaux outils de communication que sont les téléphones portables, réguliers et intelligents. Les études démontrent que les sirènes et les hauts-parleurs demeurent considérés comme les voies privilégiées d’alerte pour les situations imminentes et représentent un danger élevé, tel que les incendies, les déversements de produits toxiques ou les agressions armées. Elle a cependant permis de dépeindre deux types de comportements et d’attentes en matière de communication pour diverses situation d’urgence. Le personnel et les cadres, que nous avons qualifié de « sédentaires », misent surtout sur des outils de communication fixes comme l’ordinateur ou le téléphone de bureau, et notamment sur les courriels pour plusieurs types de messages d’alerte. Les étudiants, que nous avons qualifié de « nomades », misent majoritairement sur le téléphone portable et favorisent nettement l’utilisation de messages textes ou SMS pour plusieurs types d’alerte, même parmi les plus dangereux. Les enseignants constituent un troisième groupe, leurs comportements et attentes se rapprochant de l’un ou l’autre pôle selon la situation. La majorité des répondants à notre questionnaire, peu importe le statut, s’est dite intéressée à s’inscrire à un système d’alerte venant de l’université et diffusé sur téléphone cellulaire.

Fiche de lecture réalisée par Sophie Chavanel

Mots-clés


Alerte, communication, risque, urgence, téléphone mobile.

Mise en contexte


Cette thèse de doctorat porte sur la communication en situation de crise dans la société actuelle dite de crises et de réseaux, dans le cadre de la diffusion d’alertes et des échanges d’informations. Tenant compte du contexte social et technologique en évolution avec le développement du Web participatif, des médias sociaux et de la téléphonie mobile, cette recherche porte plus particulièrement sur les usages émergents des nouvelles technologies de l’information et des communications en fonction des besoins, des attentes et des moyens de communication des diverses parties prenantes et divers publics en situation de risque et de crise.

Revue de littérature et cadre théorique


Pour dresser la toile de fond dans laquelle s’inscrit la problématique de recherche, l’auteur utilise des concepts développés en sciences sociales dans les écrits d’Ulrick Beck et d’Anthony Giddens  sur la post-modernité et la société du risque. En ce qui a trait à la typologie des crises, Bérubé prend principalement une approche managériale et sociologique. La définition de crise retenue par Bérubé est celle de Roux-Dufort : « D’une façon générale, les crises sont définies comme des ruptures brutales, dans lesquelles plusieurs acteurs sont impliqués, qui nécessitent une attention immédiate dans un climat de forte incertitude quand au déroulement des évènements et aux conséquences des décision. » Pour circonscrire la problématique de recherche, Bérubé se penche sur la phase aigüe des crises en utilisant le modèle proposé par Lagadec et Roux-Dufort: phase pré-crise, la phase aigüe, la phase chronique et la phase de résolution. À ces étapes correspondent des actions de gestion de crises : prévention, préparation, réaction et capitalisation. Contrairement à la plupart des ouvrages sur la gestion de crise qui favorisent l’approche managériale, l’auteur s’intéresse particulièrement aux victimes en situation de crise : « Cette préoccupation pour la survie de l’organisation en situation de crise occulte malheureusement souvent les points de vue des autres parties prenantes incluant divers publics, dont les victimes ou les populations affectées. » D’ailleurs, il se réfère aux écrits de d’Anthony Giddens qui avance que devant les risques inhérents à la modernité, les individus adoptent généralement quatre types de réactions d’adaptation : l’acceptation pragmatique, l’optimisme obstiné, le pessimisme cynique ou encore l’engagement radical. Souvent leurs besoins sont d’une part matériels (secours, soins, approvisionnements, abri, soutien moral, etc. Mais ils sont également informationnels : état de la situation, dangers potentiels, mesures à prendre, etc.

Démarche méthodologique


Dans une approche hypothético-déductive, Bérubé reprend un questionnaire conçu par le groupe de recherche canadien Campus Emergency Messaging Research Group (CEMRG) et adapté au contexte actuel pour effectuer une observation empirique et quantitative auprès d’un échantillonnage volontaire par email, dans les médias sociaux, sur le site web institutionnel et dans le journal des campus, dans trois universités québécoises, afin de trouver réponse à deux questions de recherche suivantes :

- En situation d’urgence, du point de vue des publics exposés, quelles sont les attentes en matière de moyens de communication pour la réception d’alertes ?

- Pour la diffusion d’alertes, quelle utilité peut-on envisager pour les nouvelles technologies de communication, dont les téléphones portables, les messages textes (SMS), les courriels, les sites Web, les médias et réseaux sociaux numériques ?

Les questionnaires touchent à des sujets tels que les perceptions des risques et des mesures d’urgence ainsi que les divers moyens de communication disponibles en situation d’urgence. Étant donné que la recherche a été faite auprès d’un échantillonnage volontaire, il s’agit d’une approche non-probabiliste dont les résultats ne peuvent être généralisés.

Résultats


L’étude démontre que les sirènes et haut-parleurs sont considérés comme les voies privilégiées d’alerte en cas d’urgence sur le campus. Les résultats de la recherche ont également permis de dépeindre deux types de comportements et d’attentes en matière de communication pour diverses situations d’urgence. Le personnel et les cadres misent principalement sur des outils de communication fixes comme l’ordinateur ou le téléphone de bureau, et notamment sur les courriels pour recevoir des messages d’alerte en situation d’urgence alors que les étudiants misent majoritairement sur le téléphone portable et favorisent nettement l’utilisation de messages textes ou SMS. Les enseignants eux sont partagés entre les deux groupes. La majorité des répondants, peu importe le statut, s’est dite intéressé à s’inscrire à un système d’alerte venant de l’université et diffusé sur téléphone cellulaire.

Discussion : pistes de réflexion


L’étude démontre également que la population qui dispose d’outils de communication plus sophistiqués cherche à les mettre à contribution en situations d’urgence afin de réduire les effets négatifs de ces situations, ainsi que pour obtenir les informations utiles à sa sécurité, introduisant ainsi l’idée que l’évolution de la téléphonie portable et transforme les populations et leur rapport à leurs collectivités. Ce phénomène de transformation des réseaux de communication et du rapport entre les individus et leurs réseaux en situation de crise est incontournable dans le contexte actuel de la prolifération rapide des médias sociaux. Dans cette mesure, les concepts d’intelligence collective, de rumeur et fausses informations dans l’espace public mentionnés par l’auteur, sont également à explorer.

Dans un autre ordre d’idée, l’auteur exerce une distinction prudente entre les résultats des différents questionnaires en raison d’une disparité entre les lieux et les moments de diffusion de ceux-ci en évitant de grouper les réponses principalement en raison de l’évolution rapide des nouvelles technologies de la communication et en concentrant l’analyse des résultats sur le terrain le plus récent.