Observatoire des médias sociaux en relations publiques

Fiches de lecture

Managing Public Relations

Grunig, James E. et Todd Hunt. 1984. Managing Public Relations. Holt, Rinehart and Winston, 550 p.

 

Résumé de l’auteur

Managing Public Relations unifies social science research and management theory with public relations techniques to provide a solid theoretical foundation. Covers the management as well as the techniques of public relations, emphasising decision-making and evaluation.

Fiche de lecture réalisée par Sophie Chavanel

Mots-clés


Relations publiques, James Grunig, Todd Hunt, communication institutionnelle, communication publique, publics, théorie situationnelle, modèles de communication.

Mise en contexte


Publié en 1984, dans la foulée d’un rapport de l’Association internationale des relations publique (International Public Relations Association – IPRA) déclarant qu’il n’existait pas encore de théories communes tissant le champ théorique des relations publiques, ce livre est considéré comme l’un des ouvrages fondateurs de la discipline. Bien qu’écrit avant le Web 2.0 et même le Web 1.0, ce livre offre des clés conceptuelles toujours utiles pour comprendre les enjeux actuels de relations publiques et a influencé la réflexion de nombre de chercheurs. Le livre est divisé en trois parties : 1. La nature des relations publiques 2. Les principes de relations publiques 3. La gestion des programmes de relations publiques, est essentiellement pratique. La présente fiche de lecture porte sur les deux premières parties de l’ouvrage et l’héritage théorique qui en découle.

Revue de littérature et cadre théorique


Dans Managing Public Relations, les auteurs adoptent une approche systémique en sciences sociales. Selon cette approche, les relations publiques sont abordées dans la perspective de l’organisation et s’inscrivent dans un ensemble de systèmes internes et externes. La théorie des systèmes s’intéresse tout particulièrement aux relations et interactions entre ces différents systèmes.

Les auteurs travaillent avec une intéressante revue de la littérature qui permet de retourner à la base des ouvrages fondateurs de la discipline, à partir de sources bibliographies alliant biographies et mémoires (Bernays, 1965; Hiebert, 1966), récits historiques sur l’évolution de la pratique et de la discipline (Cutlip et Allen, 1978; Marston, 1979) et essais sur ce que les relations publiques pourraient ou devraient être (Goldman, 1948; Burson, 1974).

Démarche méthodologique


La démarche méthodologique de Grunig et Hunt s’inscrit donc dans cette approche systémique et comporte des volets pratiques et théoriques. Les auteurs procèdent d’abord par une recension des écrits à partir desquels ils tirent leurs théories et concepts opératoires tels que les modèles de relations publiques (agent de presse/promotion, information publique, bidirectionnel asymétrique et bidirectionnel symétrique) et la théorie situationnelle de publics (non-public, latent, conscient, actif), pour ensuite en vérifier empiriquement la validité dans la pratique.

La première partie de leur démarche consiste à observer ce qui s’est fait historiquement dans la pratique des relations publiques et ce qui se fait aujourd’hui, pour identifier différents modèles qui sont encore couramment utilisés. Parmi ces modèles, que nous détaillerons ci-dessous, les auteurs avancent que le modèle le plus efficace de relations publiques est le modèle bidirectionnel symétrique.

Après avoir identifié les différents modèles de relations publiques, les auteurs proposent une typologie des publics qu’ils confrontent empiriquement, par l’entremise de questionnaires, pour identifier la proportion de chaque public (non-public, latent, conscient, actif), face à un problème.

Résultats


Grunig et Hunt proposent une définition toute simple des relations publiques qui en éclipse bien d’autres par sa limpidité. Pour les auteurs, les relations publiques c’est la gestion de la communication entre une organisation et ses publics (1984, p.6)

Le livre de Grunig et Hunt est une mine d’or de réflexions et d’exemples, de façon de faire des relations publiques, or, il y a, dans cet ouvrage, deux théories qui ont marqué la discipline : la théorie des modèles de relations publiques et la théorie situationnelle des publics.

La théorie des modèles de relations publiques

Les auteurs construisent leur cadre théorique à partir d’une recension des écrits de l’histoire moderne des relations publiques. C’est en se basant sur ce retour historique que les auteurs identifient quatre modèles de relations publiques qui ont chacun marqué une période de l’histoire moderne des relations publiques et qui sont tous utilisés encore aujourd’hui dans différents contextes. Voyons-les plus en détails.

Agent de presse/promotion

Au cours des années 1850-1900, le modèle de relations publiques privilégié était celui de l’agent de presse/promotion. Le personnage historique qui représente ce courant est P.T Barnum, un agent de presse qui avait réussi à vendre au public l’histoire d’une femme noire de 160 ans qui avait été la nounou de George Washington. À cette époque, les relations publiques avaient plutôt une fonction propagande dont l’objectif était de répandre la vision de l’organisation. Selon ce modèle, la vérité n’est pas essentielle et la communication est unidirectionnelle. De nos jours, on retrouve ce modèle principalement dans les sports et la promotion de produits. Très peu de considération pour la recherche.

Information publique

La modèle de l’information publique apparait ensuite aux débuts des années 1900 et continue d’être un modèle majeur jusqu’aux années 1920. C’est le relationniste Ivy Lee qui illustre une rupture avec le précédent modèle, avec une déclaration de principes dans laquelle il s’engage à fournir au public des informations exactes. Selon lui, le public est composé d’êtres rationnels qui, avec l’information nécessaire, est en mesure de prendre les bonnes décisions. Dans ce modèle unidirectionnel de relations publiques, la vérité est importante. De nos jours, on retrouve surtout ce modèle de relations publiques dans les appareils gouvernementaux, les organisations non-gouvernementales et les entreprises. Dans ce modèle également, il y a toujours peu de considération pour la recherche outre la comptabilisation du lectorat ou de l’auditorat.

 Asymétrique bidirectionnel

C’est au cours des années 1920 que se développe le modèle asymétrique bidirectionnel. À cette époque, les praticiens des relations publiques croient au pouvoir de la persuasion de masse et c’est Edward Bernays que les auteurs choisissent pour en être la figure de proue. Ce personnage historique des relations publiques, expliquent les auteurs, était persuadé que la manipulation consciente et intelligente des opinions de la masse était un important élément de la démocratie, et pour atteindre cet objectif, il cherchait à identifier ce que la public aimait, selon ses valeur et ses attitudes, pour ensuite vendre l’organisation de façon à s’y conformer. Le modèle asymétrique bidirectionnel consiste donc à utiliser la persuasion et la manipulation pour influencer les audiences à se comporter comme l’organisation le désir. De nos jours, ce modèle est utilisé tout particulièrement dans les entreprises évoluant dans un milieu compétitif. Ce modèle se distingue des deux premiers dans l’utilisation de la recherche pour identifier les meilleures méthodes de persuasion ainsi que par la bidirectionnalité de la communication.

Symétrique bidirectionnel

Ce n’est que dans les années 1960-70 que se développe le modèle symétrique bidirectionnel. Les auteurs attribuent d’ailleurs également à Bernays le statut de caractère historique pour représenter ce modèle, pas tant dans ses actions, que dans sa réflexion sur l’importance pour les gestionnaires de prendre en considération le point de vue du public. L’objectif de ce modèle est la compréhension mutuelle entre l’organisation et le public. Le modèle de communication est bidirectionnel et symétrique, il implique donc un échange, un dialogue. Dans ce modèle, la possibilité que le public puisse persuader l’organisation de changer d’attitude est aussi élevé que celui de l’organisation de changer le comportement du public. Dans ce modèle, la recherche occupe une place importante pour des fins de compréhension. Selon Grunig est Hunt, c’est, parmi les quatre modèles proposés, celui qui réalise le mieux l’intégration de l’organisation dans son environnement.

La théorie situationnelle des publics

 La deuxième contribution majeure de Grunig et Hunt au cadre théorique des relations publiques, est la théorie situationnelle des publics, qui s’intéresse bien sûr, à la notion de public et qui cherche à expliquer et à prédire, pourquoi certains publics sont actifs et d’autres passifs, à quel moment les publics communiquent et quelle stratégie de communication est la plus pertinente en fonction du public.

Grunig et Hunt se basent, pour cette théorie, sur les prémisses suivantes : le public générique ou en général (general public), n’existe pas et les publics sont spécifiques. Ils se définissent en fonction de leur lien, à un moment donné, avec l’organisation.

Les auteurs se basent sur la définition de public du philosophe américain John Dewey (1927), pour construire les concepts opératoires de segmentation des publics. Selon Dewey, un public est un groupe de personnes qui :

  1. Font face à un problème similaire;
  2. Reconnaissent que ce problème existe;
  3. S’organise pour faire quelque chose à propos de ce problème.

En utilisant cette définition, les auteurs identifient quatre types de publics :

Non public : Un groupe est considéré comme non-public lorsque l’organisation n’a pas d’impact sur le groupe et le groupe n’a pas d’impact sur l’organisation;

  1. Latent : Un public est considéré comme latent quand les membres du groupe qui font face à un problème créé par l’organisation, ne reconnaissent pas qu’un problème existe;
  2. Conscient : Un public est conscient lorsqu’il reconnait qu’il y a un problème;
  3. Actif : Enfin, un public est actif lorsqu’il fait quelque chose par rapport à ce problème.

Selon les auteurs, la première étape de toute stratégie de communication, devrait être l’identification des publics. Ils proposent trois différentes variables indépendantes pour les identifier : reconnaissance d’un problème, reconnaissance de contraintes et niveau d’engagement par rapport à un problème. Selon cette théorie, les publics sont plus ou moins enclins à adopter des comportements de recherche d’information ou de traitement d’information, en fonction de la combinaison des différentes variables indépendantes qui les caractérisent. À titre d’exemple, selon cette logique, un public qui rencontre ces trois caractéristiques : fait face à un problème, reconnait qu’il y a un problème et ne se sent pas contrainte à prendre des actions afin de régler ce problème, aura plus tendance à adopter un comportement de recherche proactive d’information, un comportement de communication dit actif. D’un autre côté, si un public n’est pas touché directement pas un problème, n’est pas touché par la notion de contrainte, mais ne reconnait pas qu’il y a un problème, il y a peu de chance qu’il cherche activement de l’information et qu’il fasse des efforts pour comprendre l’information à laquelle il est exposé. Il s’agit donc d’un non-public. La combinaison complète de ces variables se trouve dans le tableau (1984, p. 153).

Selon la théorie situationnelle de Grunig et Hunt, différents publics s’adonnent à différentes activités de communication et appellent à différents modèles de communication de la part de l’organisation. Les relations publiques doivent donc être adaptées en fonction des probabilités de comportement de chacun de ces publics. Dans cette perspective, en général, argumentent les auteurs, il ne sert à rien de communiquer avec les non-publics. Cela constitue une perte de temps et d’argent. Le modèle de la promotion ou de l’information publique est plus pertinent pour les publics passifs (latents) et les modèles bidirectionnels asymétriques et symétriques sont plus appropriés pour les publics conscients et actifs.

Discussion : pistes de réflexion


Bien que les travaux de Grunig et Hunt soient incontournables en relations publiques, ils ont reçu leur lot de critiques. C’est notamment le cas en ce qui a trait à la définition même de public, qui se formerait toujours face à un problème. Il a depuis été argumenté, notamment par Hallahan (2000), que les publics peuvent se rassembler autour d’enjeux ou d’intérêts communs, autres que des problèmes.

Autre point de discussion, Grunig et Hunt se positionnent exclusivement du point de vue de l’organisation, une posture qui amène à un certain questionnement dans l’ère du Web social où les relations publiques ne sont plus le propre des organisations. Une réflexion qui s’inscrit dans le paradigme critique selon laquelle l’organisation n’est plus une assise centrale.

Ceci étant dit, les travaux de Grunig et Hunt continuent d’être étudiés dans les universités de par le monde et continuent d’être une base de réflexion pour qui cherche à comprendre les relatons publiques.