Observatoire des médias sociaux en relations publiques

Fiches de lecture

Solidarités renouvelées. Faut-il tuer le messager ?

Rodriguez, Sandra. 2006. « Solidarités renouvelées. Faut-il tuer le messager ? » Presses de l’Université du Québec. Québec. 143 p.

Résumé

À l’ère de l’émergence de nouvelles formes de solidarité mondiale, il semblerait que les organisations non-gouvernementales (ONG) aient de plus en plus de difficulté à obtenir l’appui du public ou sa conscientisation aux questions de coopération internationale. Faut-il en déduire que ces organisations n’ont pas su suivre l’évolution de leur milieu? Véhiculant depuis trop longtemps des messages centrés sur les problèmes du « tiers-monde » plutôt que sur les rapports de force et les changements politiques, peut-être récoltent-elles, à long terme, la démobilisation et l’indifférence ? La recherche présentée dans cet ouvrage explore les difficultés liées à la mobilisation et à l’engagement solidaire de la société civile, en se penchant du côté d’un public de jeunes adultes, souvent plus intéressés à la coopération internationale mais qui pourtant répondent peu aux publicités des ONG. Elle compare les propos tenus par les membres des ONG émettrices de publicités, à ceux tenus par trois groupes de récepteurs de 24-35 ans : a) démontrant un intérêt pour les questions de coopération internationale, b) ayant déjà participé à des projets outre-mer, ou c) « originaires » de pays du Sud. Fait intéressant, les résultats de l’enquête révèlent un net décalage entre ce que les émetteurs jugent intéressant ou acceptable pour leur public et les attentes et les perceptions réelles de ce dernier. Plus que jamais, les ONG doivent repenser leurs pratiques communicationnelles : il en va de leur crédibilité et de leur reconnaissance aux yeux d’une société civile en émergence.

Fiche de lecture réalisée par Sophie Chavanel

Mots-clés



Solidarité, coopération internationale, ONG, financement, publicités, études de la réception, communication, décodage, interprétation, crise de confiance.

Mise en contexte


Dans un contexte où plusieurs crient à la lassitude des publics face aux publicités de collecte de fonds des organisations humanitaires, cette recherche présentée sous la forme d’un ouvrage se penche sur le thème de l’engagement du public dans la coopération internationale et sur les possibles répercussions des publicités des ONG de développement sur la manière dont les publics des pays développés perçoivent les pays en voie de développement.

Revue de littérature et cadre théorique


La recherche présentée se base en filigrane sur les théories de la réception qui s’intéressent à l’acte de communication (décodage et interprétation), du point de vue du récepteur. Dans les théories de la perception, Rodriguez se base principalement sur les théories de la réception active qui avancent que plusieurs variables influencent l’interprétation et les réactions du récepteur, notamment sa subjectivité, ses possibilités de décodage, ses cadres de référence et les effets de ses réactions.

Démarche méthodologique


Cette étude présentée sous forme d’ouvrage a été menée auprès d’un public de jeunes adultes issus de la société civile, par le biais de deux séries d’entretiens. La première phase d’entretiens a été menée auprès de trois ONG, permettant d’identifier les tendances généralement employées par les émetteurs de publicité. La deuxième phase a été menée auprès d’un groupe de récepteurs potentiels, les jeunes montréalais de 24 à 35 ans ayant une formation universitaire.

Résultats


Les résultats de cette étude démontrent que si le public ciblé (jeunes citadins occidentaux éduqués) se dit marqué par les images stéréotypées des publicités des ONG, ces jeunes affirment qu’ils identifient ces images des pays, dits du Sud, à celles qui sont véhiculées dans les médias et par les ONG et non pas nécessairement à la réalité de ces pays. Les résultats de l’étude laissent également croire que ce sont les publicités de conscientisation qui sont le plus susceptibles de joindre le public ciblé et ultimement, l’inciter à une action solidaire (don, implication, etc.), plutôt que les publicités jouant sur les émotions et la pitié. Les résultats de l’étude permettent également de constater un effet néfaste (effet boomerang) des publicités alarmistes des ONG auprès du public cible, qui manifeste un cynisme à l’égard de celles-ci. L’auteure termine son ouvrage avec une série de recommandations adressées aux ONG :

  • Repenser la stratégie de discours : transparence et cohérence;
  • Éviter la concurrence et favoriser la collaboration: une idée utopique mais nécessaire;
  • Informer le public: une question de crédibilité;
  • Appréhender les critiques constructives.

Discussion : pistes de réflexion


À la suite de l’analyse des résultat de sa recherche, Mrs. Rodriguez souligne que les connaissances à propos de ce qui influence le public en matière d’engagement solidaire sont minces. Elle lance toutefois la réflexion à l’effet que la démobilisation du public face aux problèmes du « tiers-monde » est peut-être plus due à un problème de confiance du public face aux ONG, qu’à une lassitude généralisée. Elle invite donc à poursuivre les recherches sur les attentes et perceptions du public en général, mais aussi auprès du public spécifique que sont les membres des ONG.