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L’information en temps de crise : un nouvel enjeu

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Entrée écrite par : Ema Zajmovic


Les évènements du vendredi 13 novembre à Paris ont changé pour beaucoup la vision qu’ils avaient du monde. Les populations touchées, les idéaux d’une jeunesse et aussi la vision de paix ont tous été impactés. Cependant, cette modification a aussi touché les domaines de la communication. La remise en question d’une déontologie peut-être trop laxiste pour certains, et à la recherche du sensationnalisme pour d’autres se dessineraient dans un avenir proche.

Il est certain que de voir ces évènements au cœur de la capitale française allait susciter une forte réaction des forces de l’ordre dans les jours qui ont suivi, afin de réussir à déjouer de futures attaques, mais aussi pour traduire devant la justice les responsables. Cependant, ces diverses actions suscitent une fascination par un public qui est toujours dans la demande d’une information en continu, et de préférence nouvelle. Il est donc courant de voir sur les chaînes de télévision d’information en continu, des bulletins spéciaux qui couvrent les événements en direct. Nous pourrions nous interroger sur l’aide que cela pourrait apporter aux fugitifs par ce regard extérieur des évènements. Car en fournissant des informations à leurs téléspectateurs, ils peuvent aussi amener un regard neuf des faits, des informations inédites et méconnues des ravisseurs. Il y a donc un changement de paradigme dans la nature des évènements qui ne sont plus accidentels, mais relier au crime. Janvier 2015 a montré l’importance et grande nécessité de mettre à jour la déontologie. Celle-ci se confronte à une réalité : les règles actuelles sont respectées (droit à l’image, décences, etc.). Faut-il alors modifier ces règles, appliquer de nouveaux codes au savoir-être si le savoir-faire ne peut plus être limité ?

Le constat est bien souvent le suivant : le média cherche au cœur de cette horreur, une histoire merveilleuse (sauveteur, enquêteur, témoins). Pour cela, ils utilisent soit les experts (connaissant les instruments et les protocoles), soit les journalistes spécialistes (professionnels du gros titre dans ce domaine). Cependant, un constat doit être fait : où sont les chercheurs et universitaires lors de ces débats ? Rare est le moment où ils sont invités à venir parler ou donner leur avis sur un événement. Rappelons que celui-ci est tout simplement un nouveau champ de données dans leur cadre d’analyse. Il posséderait de nombreux outils pour comprendre l’événement et y amener des réponses qui ne seraient en aucun cas en lien avec le déroulement des opérations. Ils apporteraient un nouveau contenu qui fournirait aux différents publics un raisonnement différent. Il serait une véritable plus-value sur les médias sociaux pour la personne qui serait capable d’apporter et d’animer cette conversation.

Nous pourrions voir l’application de trois filtres à l’information, sans avoir recours à la censure, qui permettrait cependant à celle-ci de plus rentrer en conflit d’intérêts avec les actions menées par les forces de police. Mais aussi permettre la création d’un contenu plus novateur, moins dangereux pour les évènements en cours, et même bénéfique à la gestion de crise.

1 – Sécuriser les opérations en cours et les acteurs impliqués

L’interruption d’un programme en direct peut avoir des conséquences désastreuses sur la sécurité de milliers de personnes. Le meilleur exemple est celui de la chaîne française TF1 qui n’a pas arrêté sa diffusion du match de soccer lors des attentats du 13 novembre dernier. Ainsi, même si les autres chaines diffusaient leurs bulletins spéciaux, la prise en compte de la sécurité des 80 000 spectateurs au Stade de France par la chaîne, a permis aux autorités compétentes de stopper le match au bon moment pour organiser l’évacuation dans l’ordre.  Ce choix peut être aussi appliqué dans médias sociaux, en évitant d’inonder une partie des spectateurs et éviter un effet de panique. Pour cela, il était possible de gérer leur accès à certains types de contenu en fonction de la géolocalisation. Mais cela pose un problème d’accès à l’information, qui doit normalement être respecté en tout temps. Cependant, peut-on le modifier en cas de besoin exceptionnel ?

2 – L’information excédentaire

Le retour d’expérience est souvent utilisé pour générer du contenu durant une crise.  Recommandé dans la gestion de crise en post mortem, il ne l’est pas lors du déroulement des évènements. Ainsi mettre de l’avant les points forts et faibles des opérations en cours favorise les réactions rapides et non réfléchies par les acteurs, et amène donc à une situation plus dangereuse. Faudrait-il mettre en scène la gestion de crise et demander des explications aux experts au lieu de leur laisser le champ libre dans leurs actions ? Les nombreux commentaires qui peuvent inonder rapidement les publications doivent-ils être transmis aux experts ?

3 – Le moral des populations

Lors d’une attaque terroriste le citoyen n’est plus témoins, mais plutôt une cible potentielle. Il n’est donc pas du tout conseillé de démontrer la fragilité d’un système de défense nationale à ses citoyens. C’est la façon la plus facile pour démoraliser les individus, mais aussi renforcer un effet de fatalité. Même si la peur reste un des moteurs les plus puissants de l’action, il faut savoir la doser, et limiter son utilisation. Souvent manipulée par les politiques, elle reste bien plus facilement utilisable et dommageable dans un contexte de veille d’attaque terroriste. Au contraire, quel serait l’utilisation d’un objectivisme, ou un positivisme sur les faits?

Le but n’est pas d’amener une modification directe des pratiques journalistiques, ou relationniste, mais plutôt de conscientiser sur une problématique nouvelle qui, malheureusement, est amenée à se reproduire dans nos sociétés modernes. Les attentats à Ottawa ont montré la possibilité que le Canada soit la cible d’attaques de terroristes, mais aussi, le rôle que les médias ont joué. Il est encore plus vrai de voir à quel point les médias sociaux ont réagi vite en fournissant des informations précieuses aux personnes impliquées dans ces attaques. Cependant, la déontologie actuelle et les politiques de modération de nos médias sociaux sont elles prêtent à faire face à ces nouveaux défis ?

Benoit A. Spéciel

 

Source :
Natalie, Maroun. PhD (Directrice du développement de l’Observatoire International des Crises) et  Johnny, Maroun. (Doctorant, Université Paris 3)« Informer en temps de guerre, informer en temps de crise ». Magazine de la Communication de Crise. Article 0290. Publié le 26 novembre 2015. En ligne : http://www.communication-sensible.com/articles/article290.php

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