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Présence numérique des employeurs, proposition de typologie pour les entreprises du secteur bancaire

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Entrée écrite par : Benoit Adrien Spéciel


Petit préambule aux conférences du Webinaire 2016

1 – Résumé de la conférence

La majorité des entreprises sont présentes sur internet (Dabi-Schwebel, 2013), pour satisfaire les différentes parties prenantes. Mais cette situation ne concerne pas les entreprises de façon homogène.  Les enjeux du recrutement et la pression de la hausse des demandeurs d’emploi ont conduit certaines entreprises à construire une marque employeur (Charbonnier-Voirin et  Vignolles, 2015 ; Viot et Benraïss-Noailles,  2013) qui se manifeste par une multiplication des usages des réseaux sociaux. Dans ce cadre, la présence numérique (Merzeau, 2009) des employeurs convoque des enjeux scientifiques et sociétaux. Enjeux scientifiques, car les notions d’identité numérique et d’e-réputation portent de nombreuses problématiques communicationnelles  (Coutant et Stenger, 2013, Alcantara 2015, Orrigi 2015) dont l’approche individuelle est transférée aux entreprises (Lachaud et Vila-Raimondi, 2013, Leveneur 2013, Larroche, 2014). Enjeux sociétaux, car l’emploi est une question sensible pour laquelle toute communication constitue une caisse de résonnance. La question de la caractérisation de la présence numérique des organisations en tant qu’employeur s’insère dans ce cadre de réflexion.  La première étape théorique exige une analyse de la notion de présence numérique qui sera décomposée en un système où interagissent construction identitaire et processus réputationnels. Ensuite, la méthodologie puis les résultats d’une enquête centrée sur les entreprises du secteur bancaire seront présentés. Une typologie de quatre situations types sera alors proposée et analysée. Enfin la portée et les limites de cette démarche seront discutées dans la perspective des relations publiques notamment (Charest, Lavigne et Moumouni 2015).

2 – Quelques questions sur les sujets abordés

Les questions suivantes ont été posées directement à M. Pélissier et voici la retranscription de ses réponses :

Quelles sont les nuances principales à faire entre la construction identitaire et les processus réputationnels?

D. PÉLISSIER : «L’identité est un concept social d’abord abordé historiquement en mathématiques et philosophie. Si la stabilité de l’identité a été remise en cause, la réalité même de l’identité pose encore question. En effet, étudier l’identité conduit parfois à des impasses en voulant tout rattacher à cette notion véritable « barbe à papa ». En prenant un recul historique, certains sociologues comme J. C. Kaufmann préfèrent utiliser la notion de construction identitaire qui est observable plutôt qu’identité, concept qui fuit en quelque sorte. En effet, si un chercheur peut observer des traces de la construction identitaire des entreprises (sites web, comptes de réseaux sociaux, etc.), il est toujours délicat, voire risqué, de vouloir cerner l’identité organisationnelle.

De même, identité et réputation sont parfois confondues. L’identité numérique serait une partie de l’e-réputation et cette dernière une partie constitutive de l’identité. Pourtant, la réputation est bien différente de l’identité par nature. Elle est, comme le définit G. Origgi, « comment nous nous voyons vu » par les autres. Le problème est alors que l’identité est en relation avec la réputation qu’elle peut intégrer dans sa construction et d’autre part que la réputation des uns est l’identité des autres. Par ailleurs, si les opinions convergent parfois en réputation sur internet, les processus observables de construction d’une réputation sont plus nombreux (commentaires de clients, likes etc.). Il est ainsi difficile de distinguer identité et réputation, mais cette démarche me semble pourtant fondamentale pour comprendre et étudier les phénomènes communicationnels qu’ils induisent. »

La présence numérique des employeurs bancaires est-elle suffisamment sécuritaire?

D. PÉLISSIER : «La culture bancaire, sans tomber dans la caricature, intègre assez fortement la notion de sécurité. Les flux financiers transitant par des protocoles web sont sécurisés comme nous le constatons tous avec plaisir en consultant nos comptes. Transférées au niveau du recrutement, les problématiques sont à la fois similaires et différentes. Similaires, car les espaces candidats par exemple exigent une maitrise des informations qui répondra notamment aux contraintes légales en vigueur. De même, il peut exister des usurpations de l’identité d’employeur et il est déjà arrivé qu’une entreprise ait la mauvaise surprise de voir son identité utilisée dans de fausses offres d’emploi pour attirer, moyennant finance, des candidats. Différentes, car les enjeux sont dissemblables. Si les problèmes posés par la sécurité commerciale peuvent remettre en cause l’existence même de la banque, la sécurité liée à la présence numérique employeur, même si elle n’est pas négligeable, semble d’une moindre portée.

Au-delà de cette première analyse, les cultures métiers jouent peut-être un rôle. En effet, la présence numérique employeur est relativement récente, et il est possible que les risques n’aient pas encore diffusé dans les comportements et attitudes des personnes responsables, souvent du service ressources humaines. Enfin, je souhaiterais faire une simple observation sur la variété des banques. Le terme de ‘banque’ cache des réalités extrêmement différentes malgré les vagues de fusions qui tendent à homogénéiser les échelles. Et si le facteur taille ne détermine pas tout, il influence sans doute les risques de sécurité et leur perception.»

Les employés sont les meilleurs vecteurs de l’image d’une entreprise, mais peut-on les réglementer sans les museler ?

D. PÉLISSIER : «Le développement de sites de témoignages d’employés comme Glassdoor a montré tout l’intérêt de ce type d’information. Ce succès correspond sans doute à une attente et/ou une culture de l’évaluation qui, portée par les technologies web, a traversé nos sociétés. Dans le même temps, parfois en réaction, certaines entreprises diffusent sur leurs sites web des témoignages de salariés. Mais ces deux démarches sont très différentes. Communication libre, parfois perçue comme sauvage d’un côté et communication maitrisée, manipulée pour certains, de l’autre.

Il me semble que tout ceci est surtout affaire de réception. Le fat de postuler que les employés sont de bons ambassadeurs comme certains souhaitent le démontrer ou que les témoignages sont alors des moyens de communication ou une solution miracle laisse de côté les différences de réception de ces messages par les candidats à un recrutement.

Que ce soit du côté du message ou de sa réception, le contrôle me parait illusoire. Un accompagnement sans doute et surtout un travail interne sur les ressources humaines. Enfin, il est sans doute salutaire de prendre conscience que la sensibilité aux opinions comme les témoignages est culturellement marquée, très personnelle et parfois… disproportionnée. »

3 – Pour aller plus loin

Voici une suggestion de lecture du conférencier pour effectuer une entrée en matière du sujet abordé :

C. Alcantara, “E-réputation : regards croisés sur une notion émergente,” lextensoéditions, 2015.

A. Coutant and T. Stenger, “Introduction, pour une approche complexe et sociotechnique des identités numériques,” in Identités numériques, l’Harmattan, 2013, p. 5 à 11.

V. Larroche, “L’influence de la marque employeur sur l’e-réputation : l’exemple de trois banques présentes sur le marché français,”dans F. Charest, A. Lavigne et C. Moumouni, Médias sociaux et relations publiques, Presse de l’Université du Québec, p.65-82, 2015.

L. Merzeau, “Présence numérique : les médiations de l’identité,” GRESEC | Les Enjeux de l’information et de la communication, vol. 1, p. 79–91, 2009.

 

Coréalisé avec Lara-Catherine Desrochers

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