Observatoire des médias sociaux en relations publiques

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Changement de logique et des Arts de faire dans les pratiques communicationnelles avec les médias sociaux

Francine Charest est professeure adjointe au département d’information et de communication (DIC) de l’Université Laval, à Québec au Canada. Le 22 novembre 2010, elle a mis sur pied le centre de recherche l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques de l’Université Laval. Elle en assure la direction en collaboration avec des professeurs du département, majoritairement regroupés dans la concentration des relations publiques. Elle est habilitée à diriger des travaux de recherche et de réflexion dans le domaine de la communication et des pratiques professionnelles dans les médias sociaux.

Anne-Marie Gauthier, lors de la parution de l’article, était finissante à la maîtrise en communication publique, profil relations publiques, à l’Université Laval. Elle a rédigé un essai sur l’appropriation des médias sociaux par les professionnels en relations publiques. Graduée en 2012 et membre du groupe d’experts-conseil de l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques, elle travaille également comme chargée de projet et responsable des communications Web dans un organisme gouvernemental québécois.

Résumé


À l’ère du Web collaboratif, les médias sociaux représentent l’un des plus puissants outils de communication planétaire en ce début de XXIe siècle. Qu’advient-il des pratiques des professionnels de la communication qui s’inscrivaient dans une logique d’émetteur bien établie par les modèles de communication ? À quelle logique impérative, les médias sociaux contraignent-ils les professionnels en relations publiques dans leurs Arts de faire. Comment se déploient la profession et les compétences des relationnistes dans le contexte nord-américain avec ces outils et usages émergents?

Mots-clés


Communication, logique, médias sociaux, relations publiques, Web. 

Abstract


In the collaborative web era, social media represent one of the most powerful communication tool worldwide in the beginning of the 21st century. What happened to the professional communication practices which relied on a transmission process well established by communication models? Following which pressing logic does social media restrain public relation professionals in their actions? How do new competences and new jobs emerge from those tools and usages in that North American context.

Keywords


Communication, Logic, Social media, Public relations, Web. 

Introduction


À l’ère du Web collaboratif, les médias sociaux représentent l’un des plus puissants outils de communication planétaire en ce début de XXIe siècle (Joel, 2010). Avec près d’un milliard d’utilisateurs[4], Facebook, Twitter, YouTube et les autres changent la donne dans nos façons de communiquer, voire de penser. Or, qu’advient-il des pratiques des professionnels de la communication en relations publiques[5] qui s’inscrivaient le plus souvent dans une logique d’émetteur portée traditionnellement par un modèle de communication unidirectionnelle dogmatique, atteignant, au mieux, une communication symétrique bidirectionnelle (Grunig, Hunt, 1984) ?

À quelle logique impérative, les médias sociaux contraignent-ils les relationnistes[6] dans leurs Arts de faire (de Certeau, 1990) ou de gérer les communications avec leurs différents publics ? Comment se déploient en contexte nord-américain la profession (Dumas, 2010) et les compétences des relationnistes dans l’environnement émergent de ces outils et usages ?

Définition et explosion des médias sociaux


Proposé en 2003 par Dougherty et expliqué en 2004 dans une conférence internationale par O’Reilly (en ligne, 2005), le Web social émane du concept Web 2.0. Considéré comme une plateforme, cette deuxième génération repose sur l’usager, le partage, la personnalisation des contenus et l’intelligence collective. La réussite du Web 2.0 dépend de la capacité des sites à s’approprier la puissance du Web ou de la Toile pour y faire briller l’intelligence collective[7]. Laurent (2008), consultant reconnu du domaine des communications et du marketing, stipule que « le Web 2.0 se caractérise avant tout par des pratiques citoyennes, de même qu’il n’existe qu’au travers de ses utilisateurs » (2008 : 208).

Quelques éléments définitoires


L’avènement des médias sociaux découle ainsi de l’expansion du Web social ; ils représentent des technologies issues du Web 2.0. Kugler et Lavigne[8] de l’Université Laval, s’accordent sur le fait que la définition la plus juste des médias sociaux à ce jour est celle avancée par Dupin (2010). Partie intégrante du Web social, les médias sociaux :

peuvent se définir comme l’ensemble des plateformes en ligne créant une interaction sociale entre différents utilisateurs autour de contenus numériques (photos, textes, vidéos) et selon divers degrés d’affinités. Ils sont au centre de toutes les attentions, leur audience ne cesse de croître, et ils bénéficient d’un engouement de plus en plus fort de la part des entreprises et des institutions (Dupin, 2010 : 14).

L’appellation « médias » provient du fait que ces canaux permettent la diffusion de messages et un échange d’informations. Ils sont considérés « sociaux » dans la perspective où leur but premier réside dans la mise en relation des individus, alors que sont recréés en ligne des réseaux de socialisation, que nous nommons « réseaux sociaux ».

Ce qui différencie le Web 2.0 de la première décennie est que l’usager se retrouve désormais au centre du processus communicationnel. Pour les organisations, cela signifie que grâce aux médias sociaux, « le consommateur «entre» dans l’entreprise et devient un membre actif de son écosystème » (CEFRIO, en ligne, 2011a : 10). Pour les relationnistes, cela signifie que les publics sont au centre des réflexions, les considérant comme « point de départ dans la production des objets » (Charest et Bédard, 2009 : 32).

L’explosion des usages Web 2.0


Apparus sur la Toile à la fin des années 1990 sous forme de blogues, les médias sociaux connaissent un essor sans précédent. L’avènement de sites de réseautage et de partage multimédias témoigne de toute cette effervescence. Des 800 millions d’utilisateurs actifs sur Facebook à travers le monde et même un milliard en 2012 selon les annonces de Palo Alto[9], aux 200 millions de gazouillis envoyés par jour sur Twitter, en passant par les 700 milliards de vidéos regardées sur YouTube, l’engouement pour les médias sociaux est loin de s’estomper (CEFRIO, NETendances, 2011).

L’utilisation des médias sociaux est devenue une pratique ancrée dans les habitudes des internautes. En 2010, plus de 78 % des Québécois ont fréquenté un média social ou même contribué à son contenu. Ils sont sensibles aux commentaires sur des entreprises, des produits ou recommandations véhiculés sur le Web. Au Québec, près du tiers des adultes québécois [...] ont déjà interagi sur un média social avec un organisme ou une entreprise » (CEFRIO, en ligne, 2011b : 16) notamment en consultant une page Facebook, en visionnant une vidéo corporative sur YouTube ou en échangeant directement sur le blogue ou le fil Twitter de l’entreprise. Par ailleurs, le journaliste Fabien Deglise du Devoir (en ligne, 2010) souligne que les internautes canadiens se situent en tête de liste pour leur complicité avec des marques au sein des médias sociaux, avec en moyenne cinq entreprises parmi leurs « amis » virtuels sur Facebook et Twitter[10].

Changement de paradigme dans les logiques d’usages


Avec l’avènement des médias sociaux, force est de constater que les modèles de communication développés au début du siècle dernier sont bel et bien révolus. Le schéma « Émetteur-Récepteur » de Shannon en 1948 ou encore celui de Lasswell de la même année « Qui dit quoi à qui par quel moyen avec quel effet » ont été fort utiles pour conceptualiser certaines pratiques professionnelles. À l’ère du Web 2.0, ils ne répondent plus aux besoins de communication entre les professionnels et leurs différents publics.

C’est pourquoi les chercheurs délaissent cette approche fonctionnaliste linéaire pour étudier les pratiques des professionnels à partir d’une perspective plus systémique de la communication et surtout plus interactive. La prise en compte d’une nouvelle façon de communiquer dans les médias sociaux dépasse la logique d’une communication unidirectionnelle. Comme le souligne Maisonneuve (2010), dans une communication interactive, il faut « dépasser la posture diffusionniste pour se préoccuper d’écoute, d’analyse, d’appropriation et d’influence réciproque » (2010 : 20).

Cette forte posture épistémologique qui consiste à étudier les nouvelles logiques d’usages dans les médias sociaux à partir d’un paradigme interactif plutôt que linéaire, renvoie l’étude des pratiques professionnelles à une logique d’usage bidirectionnelle, telle que préconisée par Grunig et Hunt dès 1984. Ainsi, les nouveaux outils Web 2.0 entraînent les relationnistes et leurs publics « vers de nouveaux paradigmes, de nouveaux modèles d’affaires et de nouveaux modes de relations entre l’entreprise et ses clients » (CEFRIO, en ligne, 2011a : 49). Selon Ruette-Guyot et Leclerc (2009) ces nouveaux outils « brisent les schémas classiques de communication qui séparent nettement émetteurs et récepteurs. Ils autorisent une communication non seulement réciproque mais multiple : de tous à tous » (2009 : 133).

Dans la même foulée, Levine et al. (1999) font la lumière sur les nouvelles réalités du monde des affaires et des communications issues d’Internet. Ils dépeignent une ère de conversations où les internautes inventent de nouvelles façons de partager leur savoir : « People talk to each other. In open, straightforward conversations, inside and outside organizations. The inside and outside conversations are connecting. We have no choice but to participate in them » (Levine et al. en ligne, 1999). Ainsi l’une des nouvelles problématiques nées du Web 2.0 et des nouveaux canaux de communication réside dans le fait que « le grand public participe maintenant à la conversation et tient à donner son opinion. De plus, ce public, qui était uniquement récepteur, est devenu générateur de contenus, voire une source qui filtre lesdits contenus pour ses amis » (Blanc et Seraiocco, 2010 : 60).

Afin de bien saisir l’essence de ce changement de paradigme communicationnel dans les logiques d’usages, dressons d’abord l’évolution des modèles théoriques issus de la discipline de la communication organisationnelle à laquelle les relations publiques empruntent des concepts riches en enseignements.

Évolution des modèles théoriques de la communication en relations publiques


 

L’évolution historique de la gestion des communications par les relations publiques s’est développée à partir de quatre modèles traditionnels de la communication (Grunig, Hunt, 1984) ; la promotion, l’information publique, la communication bidirectionnelle asymétrique et enfin le modèle de la communication bidirectionnelle symétrique. L’appropriation[11] des médias sociaux par les professionnels de la communication requiert l’usage de ce dernier modèle, parce qu’il abolit les notions d’émetteur et de récepteur pour ainsi favoriser un dialogue accordant un pouvoir réel aux deux groupes de communicants : « The two-way symmetrical model, in contrast, consists more of a dialogue than a monologue [...]. Ideally, both management and publics will change somewhat after a public relations efforts » (1984 : 23).

Inspirée par ce quatrième modèle de communication, une nouvelle approche de gestion entre les organisations et ses publics s’est établie vers la fin des années 1990. Il s’agit de l’approche des relations organisation-publics (relationship management) développée par Ledingham et Bruning (1998). Elle se caractérise par cinq indicateurs (Kugler, 2010 : 15) : la fiabilité (level of trust), la transparence (openness), l’implication (involvement), l’investissement (investment) et l’engagement à long terme (commitment).

Issue de cette approche relationnelle entre l’organisation et ses publics, Ledingham (2003) propose une théorie qui s’avère particulièrement intéressante pour les relationnistes dans leur gestion des communications dans les médias sociaux, la théorie de la gestion des relations. Tirée du Journal of public relations Research, cette théorie construite à partir de l’émergence de la perspective relationnelle, avance que les relations entre l’organisation et ses publics sont axées sur les objectifs et que le point focal du domaine des relations publiques est, précisément, les relations, et non la communication (Traduction libre, 2003 : 195). Ainsi, le degré d’efficacité de la gestion des relations provient de la compréhension mutuelle et de l’intérêt commun des deux groupes de communicants, selon l’auteur.

Ces propos rejoignent ceux de Maisonneuve (2010). Elle insiste sur le fait que le principal objectif des relationnistes d’aujourd’hui consiste à créer et à gérer des processus de mise en relations qui se déploient dans le cyberespace. Selon l’auteur, « les relationnistes participent ainsi à l’avènement d’une communauté de pratiques qui va au-delà des seules parties prenantes de l’organisation » (2010 : 28). À partir de la pluralité des échanges continus entre les différents groupes d’acteurs, elle ajoute une couche de sens au modèle de Grunig et Hunt en parlant plutôt de communication « symétrique pluridirectionnelle ». Ce dernier modèle s’adapte mieux à l’environnement interactif (Charest, Bédard, 2009 ; Stenger, Coutant, 2010) dans lequel s’inscrivent les nouvelles pratiques des relationnistes dans les médias sociaux.

À partir de cette même volonté de la part des gestionnaires des relations publiques d’établir des communications symétriques bidirectionnelles et même pluridirectionnelles, Sauvé (2010) poursuit la réflexion en ajoutant la dimension « multidirectionnelle ». Cette perspective permettrait à différents groupes d’acteurs de participer au processus communicationnel à différents niveaux.

Le contexte dans lequel les relations publiques sont pratiquées aujourd’hui, tant en Amérique du nord qu’ailleurs dans le monde, est marqué par deux phénomènes dont on n’a pas fini de mesurer l’impact : l’accélération du rythme de production de la connaissance et la démocratisation de celle-ci, par le biais d’outils de diffusion qui n’ont jamais été si nombreux, accessibles et interactifs, comme en témoigne, notamment, l’essor des médias sociaux. L’accès à la connaissance n’est plus le fait d’une élite mais le privilège de tous (2010 : 8).

Sur la base de ces réflexions évolutives et interactives dans lesquelles s’inscrivent dorénavant les activités de communication dans les médias sociaux, force est des constater qu’elles engagent les relationnistes à adopter de nouvelles façons de faire dans leurs pratiques.

De nouveaux Arts de faire dans les pratiques communicationnelles


Dans la perspective où la gestion et la production des contenus est affaire de tous et surtout où l’interaction devient un élément-clé entre les relationnistes et leurs publics, comment ceux-ci peuvent-il interagir efficacement dans cette logique des médias sociaux ? Comment s’approprier cet espace interactif et y imposer de nouveaux usages sans effectuer une communication de diffusion et de promotion ? Pour ce faire, différents auteurs et professionnels du milieu de la communications et du marketing proposent des pistes de réflexion intéressantes.

Nouveaux regards


Thierry Libaert présente un nouveau concept de relations publiques, le Slow PR, dont l’objectif est de « proposer des stratégies de communication basées sur les valeurs de développement durable à savoir l’échange, le respect, la flexibilité des outils et la stabilité des messages » (en ligne, 2010). En comparant ce mouvement au Slow food et au Slow design, il insiste sur la réappropriation de la perspective temporelle de la communication. Cette proposition s’insère directement dans la logique de la théorie de la gestion des relations (Ledingham, Bruning, 1998), car elle met l’accent sur la qualité des échanges et la création de relations à long terme. Ces propos rejoignent également ceux de Kugler (2010) lorsqu’elle affirme sa posture des relations publiques : « Cela semble évident de dire que les relations publiques sont affaire de relations » (2010 : 15).

Il ne s’agit donc plus de diffuser un message à la masse de façon impersonnelle, mais plutôt de bâtir une communication bilatérale et s’assurer de l’atteinte réciproque des objectifs. Selon Rubel (cité dans Blanc et Seraiocco, 2010), ce sont les professionnels des relations publiques (RP) qui pourront adéquatement gérer le changement de cap qu’entraînent les médias sociaux.

Les consommateurs ne font plus confiance à la publicité, ils ont besoin qu’on s’adresse à eux, et les gens de RP ont l’habitude et les habiletés pour ça. Les technos offrent de plus en plus d’occasions d’entrer en communication directe avec le consommateur ; il y a aussi toute la question de la collaboration qui s’installe avec eux. Ce sont assurément des champs d’expertise des relations publiques (Rubel dans Blanc et Seraiocco, 2010 : 140).

En ce sens, les relationnistes, dont le rôle devient plus important que jamais dans la gestion des communications dans les médias sociaux, devront développer de nouvelles aptitudes conversationnelles afin d’inciter les internautes à interagir au sujet de l’organisation, à prendre part à ces échanges afin de leur proposer des histoires pertinentes. Il s’agit désormais d’une réelle collaboration entre les relationnistes et leurs publics.

The best of the people in PR are not PR types at all. They understand that they aren’t censors, they’re the company’s best conversationalists. Their job – their craft – is to discern stories the market actually wants to hear, to help journalists write stories that tell the truth, to bring people into conversation rather than protect them from it. [...] In the age of the Web where hype blows up in your face and spin gets taken as an insult, the real work of PR will be more important than ever (Levine, Locke, Searls et Weinberger, en ligne, 1999).

Et puisqu’Internet et les médias sociaux modifient considérablement la nature des communications, voire des conversations, elles touchent un plus grand nombre de personnes, plus rapidement, sans barrière géographique. Ainsi, la célèbre théorie des six degrés de séparation représente aujourd’hui plutôt six pixels de séparation (Joel, 2010), ce qui change le niveau de proximité qu’ont dorénavant les entreprises avec leurs clientèles. « Les relations interpersonnelles acquièrent un pouvoir et une portée inégalés parce qu’elles ont lieu au sein d’une communauté virtuelle où tous les utilisateurs sont interconnectés » (Joel, 2010 : 14). Il nous est impossible aujourd’hui d’ignorer les rapports humains et l’axe C to C (customer to customer) dans la stratégie d’entreprise, « parce que le commentaire d’une seule personne vaut désormais les millions de dollars qu’une entreprise dépense en publicité, en marketing et en communications » ( Joel, 2010 : 16).

Ici, ce sont non seulement les interactions entre les relationnistes et leurs publics qui sont prises en compte mais également celles mettant en relation les divers publics entre eux. Comme le soutient Ledingham (2003), cette gestion des relations s’inscrit en continuité avec la communication bidirectionnelle symétrique (Grunig, Hunt, 1984) et apporte un regard nouveau sur les façons de faire en relations publiques dont l’ultime objectif se retrouve dans la construction et le maintien des relations (Maisonneuve, 2010).

Dans un même ordre d’idées, les blogues permettent non seulement aux consommateurs d’interagir avec les entreprises, mais surtout de converser entre eux. Pour les organisations, il ne s’agit donc plus de se limiter à communiquer vers les cibles, mais avec le public. Snyder (2007) émet une mise en garde pour les relationnistes qui ne modifieraient pas leur façon de communiquer dans ce nouveau contexte : « Les blogues sont à la fois une occasion et un danger pour les communicateurs d’entreprise. [...] Si les communicateurs n’effectuent pas un changement de mentalité quant aux façons de voir leur mandat, ils échouent lamentablement » (Snyder dans Malaison, 2007 : 112).

Défi de taille


Avec l’avènement des médias sociaux, nous avons vu que les professionnels en communication ont progressivement changé leurs façons de faire en délaissant le paradigme linéaire de la communication pour adopter celui des interactions. Le Web 2.0 « is fundamentally reshaping the public sphere and public communication practices in journalism, advertising, marketing, and public relations » (Macnamara, 2010 : 1).

Cependant, si les relationnistes souhaitent réellement mettre en pratique la communication symétrique bidirectionnelle, pluridirectionnelle, voire multidirectionnelle, ils devront repousser encore plus loin les limites et faire face à un défi de taille, l’abandon du contrôle : « Web 2.0 media “shift PR from command driven, top-down communication to a symmetrical conversation”, according to UK public relations scholar Philip Young (2006, para. 31), but there remains little evidence of this in practice » (Macnamara, 2010 : 9).

L’abandon du contrôle vers un vrai dialogue, représente la résultante d’un échange égalitaire entre deux parties, au cours duquel nul n’a de pouvoir sur l’autre, bien que leurs statuts sociaux ou professionnels diffèrent : « Although the partners in exchanges are often of differing status, discussants should consciously avoid the dynamics and trappings of power to manipulate or otherwise control the flow or direction of conversation » (Kant dans Kent et Taylor, 2002 : 25). Du point de vue de Kent et Taylor (2002), même s’il y a présence d’un dialogue entre une organisation et son public, cela n’implique pas nécessairement que les actions communicationnelles posées par cette organisation s’inscrivent dans la logique « dialogique » :

What dialogue does is change the nature of the organization–public relationship by placing emphasis on the relationship. What dialogue cannot do is make an organization behave morally or force organizations to respond to publics. Organizations must willingly make dialogic commitments to publics (Kent et Taylor, 2002 : 24).

Bien que les résultats du dialogue soient majoritairement positifs, un certain risque peut y être associé, tandis que ce concept « produce unpredictable and dangerous outcomes » (Leitch et Neilson dans Kent et Taylor, 2002 : 28).

Conclusion


Ainsi, de gestionnaire de contenu diffusé à partir d’une logique unidirectionnelle telle que pratiquée dans les médias traditionnels, la pratique de la communication interactive dans les médias sociaux interpelle davantage le développement de compétences assujetties aux normes et aux valeurs inhérentes qui prévalent dans la logique des médias sociaux, soit la fiabilité, la transparence, l’implication, l’investissement et l’engagement à long terme, tel qu’établi par Ledingham et Bruning (1998). Développer des compétences de gestion des relations symétriques et de conversations authentiques avec les différents publics des organisations, alléguant un pouvoir réel aux groupes communicants, représente les défis et logiques d’usages des relationnistes avec les nouveaux outils Web 2.0.

Et, au-delà de la technologie et des nouvelles façons de faire des relationnistes, nous sommes en mesure de constater l’amorce d’un virage progressif vers de nouveaux paradigmes et de nouveaux modes de gestion des relations. En dépit de cette évolution, il serait naïf de croire qu’un véritable dialogue authentique entre toutes les parties prenantes en regard d’une situation donnée, est pratique courante au quotidien dans les organisations. Néanmoins, les relationnistes ont le devoir de reconnaître les possibilités offertes par les médias sociaux et en saisir toutes les opportunités d’échange afin de créer et de maintenir des relations de confiance représentant le rôle fondamental de leur profession (Dumas, 2010).

Bibliographie


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Articles

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[4] Colloque Médias 011 : y a-t-il une richesse des réseaux ? http://www.medias011.univ-cezanne.fr/index.php?id=5867, Université Paul Cézanne, Aix-en-Provence, 8 et 9 décembre 2011, consulté le 20 octobre 2011.

[5] Cutlip, Center et Broom, 1985. Les relations publiques sont une fonction de gestion qui identifie, établit et maintient des relations mutuellement profitables entre une organisation et les divers publics dont dépend le succès ou l’échec de ses activités. Traduction libre dans Maisonneuve, Les relations publiques dans une société en mouvance, 2010. p. 7.

[6] Le travail du relationniste consiste en grande partie à créer et à gérer [un] processus de mise en relations et de médiatisation prise au sens très large, ayant recours aux médias traditionnels et aux médias sociaux… (Maisonneuve, idem, p. 43).

[7] Le concept de Web 2.0 a été immortalisé en 2005 par O’Reilly dans son article « What is Web 2.0 » : http://oreilly.com/web2/archive/what-is-web-20.html, consulté le 10 mars 2010, consulté le 26 mai 2011.

[8] Tel que proposé à la rencontre du groupe d’experts-conseil de l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques, Université Laval, le 16 juin 2011.

[9] iCrossing s’est basé sur toutes les précédentes annonces de Palo Alto au sujet de son nombre d’utilisateurs depuis décembre 2006 pour établir ce chiffre, Guillaume Poquet, « Un milliard d’utilisateurs sur Facebook en septembre 2012 » http://www.minutebuzz.com/2012/01/13/unmilliard-dutilisateurs-sur-facebook-en-septembre-2012/, consulté le 13 janvier 2012.

[10] F. DEGLISE, Le Devoir http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/les-mutationstranquilles/313124/marketing-en-ligne-et-si-le-consommateur-tendait-le-baton-pour-se-fairebattre, consulté le 10 janvier 2012.

[11] C’est à Michel de Certeau, que les chercheurs reconnaissent la pérennité de l’approche de l’appropriation consacrée à l’étude de l’écart dans entre les usages prescrits (stratégies) et les usages effectifs (tactiques des utilisateurs). Cette approche est étudiée à partir du point de vue des usagers, ces gens ordinaires.