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Communication de crise digitale : reprendre ses sens

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Entrée écrite par : omsrp


L’ouvrage Communication de crise (2018) de Thierry Libaert, qu’on ne saurait trop recommander aux gestionnaires de communication sensible et de risques, contient un chapitre complet sur le sujet de la communication de crise digitale, rédigé par Nicolas Vanderbiest. En fin de chapitre, Vanderbiest résume l’essentiel de la matière en faisant un parallèle entre ce qu’il considère comme étant les bonnes pratiques et les perceptions sensorielles du communicant. En effet, il y présente « un ensemble d’ingrédients constituant des « sens » qu’il faut développer en situation de crise » (dans Libaert, 2018 : p.168).

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  1. Le premier sens duquel Vanderbiest tire une leçon est celui de l’ouïe. En effet, il souligne « L’importance d’aller au-delà du bruit ». C’est-à-dire avoir la capacité de prêter l’oreille à ce qui se passe autour du bourdonnement qu’est le bad buzz. Il est important de ne pas juger ce dernier par sa bruyance, mais bien par sa pertinence pour l’organisation dans sa continuité d’activité.
  2. En second lieu, l’auteur s’attarde au sens du goût et met en évidence « l’importance d’identifier les actifs en jeu ». C’est à l’organisation que revient la responsabilité de qualifier la crise en fonction des actifs en jeu et non du fait qu’elle laisse un goût amer. L’élaboration de la stratégie de communication ne doit donc pas être dicté par la crise, quel qu’en soit la saveur ou l’intensité, mais bien par la préservation des actifs, internes et externes.
  3. Ensuite, c’est avec le sens de l’odorat que l’auteur explique « l’importance de tirer les vrais enseignements ». Il faut effectivement que le communicant use de flair afin de percevoir au-delà de l’élément déclencheur de la crise (le trigger) et dégagé la composante du processus interne qui a posé le problème, sans quoi, l’organisation risque de se retrouver nez à nez avec le même problème ultérieurement.
  4. Puis, c’est au tour du sens de la vue de servir de métaphore pour l’auteur qui insiste sur « l’importance du détail ». Effectivement, en amont de la crise, il est primordial d’examiner les détails avec un œil de lynx, car « un détail peut paraître invisible pour 999 individus sur 1000 [mais à] l’ère des réseaux sociaux, le seul individu qui identifie le détail peut l’annoncer très rapidement aux 999 autres » (Vanderbiest dans Libaert, 2018 : p.168). Réellement, les années où les publics n’y voient que du feu sont révolues.
  5. L’auteur insiste alors sur « l’importance d’être ouvert sur le monde qui nous entoure » à l’aide du sens du toucher. À la vitesse à laquelle les flux communicationnels circulaires tournent, il est essentiel pour le communicant de demeurer en contact avec les faits d’actualité et les modifications des valeurs. Sans prendre le pouls du monde et des flux dans lesquels l’organisation s’insère, une simple communication peut se transformer en une énorme faille réputationnelle.
  6. Vanderbiest met aussi en évidence l’apport de la perception du temps, plus particulièrement l’impératif pour le communicant de « prendre le contrôle du temps ». Bien que ce facteur soit essentiel, il est crucial de ne pas le percevoir comme une pression supplémentaire, mais bien comme un autre outil qu’il faut apprendre à maîtriser. « Il ne s’agit pas d’une course, mais d’une emprise sur le temps. La reprise en main du tempo permet de passer d’une situation de crise à une situation communicationnelle ordinaire. » (Vanderbiest dans Libaert, 2018 : p.169)
  7. Le 6e sens, quant à lui, serait davantage de l’ordre de l’anticipation, plutôt que de la perception. Effectivement, l’auteur avertit le communicant qu’il est tenu de « s’attendre à tout, y compris au faux ». Suivant l’adage qu’il faut « prévoir l’imprévisible », l’organisation doit non seulement identifier les risques possibles et se préparer stratégiquement à y faire face, mais également être disposée à affronter une crise dont les contours et la véracité sont nébuleux.
  8. D’autre part, le communicant doit se fier à sa thermoception et se « garder le droit de se déclarer en crise ou pas ». Naturellement, l’organisation est la seule à savoir si elle est réellement dans l’eau chaude ou non. Trop souvent, la crise peut être déclarée (à l’interne comme à l’externe) pour des situations qui n’en sont pas. Simplement parce que les esprits s’échauffent un peu, ne signifie pas nécessairement qu’il y a le feu.
  9. De même, l’auteur recommande fortement à l’organisation de bien « maîtriser les éléments constitutifs de son histoire », d’où l’importance du sens de l’équilibre. Vanderbiest n’exagère pas en disant que « bientôt, les publics connaîtront mieux les organisations que les employés eux-mêmes, grâce aux traces qu’elles accumulent sur le Web » (dans Libaert, 2018 : p.169). Tel un funambule, le communicant se doit donc d’avoir le pied sûr sur la ligne du temps de l’organisation, de la stratégie globale de communication, tout en tenant compte des bourrasques.
  10. Enfin, le dernier sens, mais non le moindre, qu’un communicant doit développer est la proprioception. L’auteur affirme haut et fort que « l’interne est le plus important ». En effet, un des facteurs les plus négligés lors d’une communication de crise sur le Web est l’interne. Le communicant doit donc percevoir la position des différents membres, en tenir compte, et s’ajuster en conséquence. Un employé peut vivre une crise de plein fouet, si négligé, ou devenir un incroyable levier en période de perturbation communicationnelle.

Il devient clair, à la lueur des leçons ci-dessus, que tous les sens du communicant se doivent d’être bien aiguisés et travailler de concert, sans quoi la synesthésie de l’organisation en moment de crise pourrait envenimer la situation.

Source : LIBAERT, Thierry. 2018. Communication de crise. Avec la collaboration de Nicolas Baygert, Bernard Motulsky, Nicolas Vanderbiest et Mathias Vicherat. Montreuil : Pearson France, 246 p.

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