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Modes de gestion de crise à l’ère des médias socionumériques

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Entrée écrite par : omsrp


L’injonction à participer par l’internaute qui désire faire partie d’une communauté favorise l’introduction de nombreux échanges de publications, d’évaluation et de recommandations personnelles, ce qui suppose également l’interaction sur des contenus publiés par les marques (Serge Proulx, 2017). Ces lieux d’échange et de partage peuvent devenir le théâtre de véritables tribunaux de l’opinion publique dans lesquels les messages d’entreprises peuvent rapidement passer de la communication sensible au bad buzz, pouvant même aller jusqu’à la crise numérique à part entière. Plusieurs techniques, tant préventives que réactives, peuvent parer à cette progression indésirable. Cependant, si, malgré les efforts, la crise survient, quels sont les modes de gestion de crise employés à l’ère des médias sociomunériques?

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Dans son dernier ouvrage, intitulé La communication de crise à l’ère des médias socionumériques, Xavier Manga souligne les modes de gestion fréquemment utilisés par les organisations tels que regroupés par Libaert (1999) en trois grandes catégories : la reconnaissance de la crise, la diversion du public par des sujets annexes et la résistance à la crise par la « stratégie du refus ».

  1. La reconnaissance de la crise
    Ayant particulièrement fait ses preuves dans le passé, cette stratégie est la plus souvent conseillée par les experts de la communication de crise. Elle consiste à « reconnaître le problème, quel que soit sa provenance (interne ou externe) avant même que les médias s’en emparent » (Manga, 2018). Les éléments clés de ce format communicationnel de la reconnaissance sont la transparence et la fermeté. Il s’agit pour l’entreprise de diagnostiquer le plus rapidement possible l’origine du problème en plus de déterminer les actions à prendre afin de non seulement le résoudre, mais aussi d’empêcher qu’une telle situation ne se reproduise. Thierry Libaert (1999) soutient que pour être efficiente, la stratégie par la reconnaissance se doit d’être « ferme », « rapide » et « cohérente ». Manga ajoute qu’il est tout aussi important de faire preuve de souplesse et de réactivité, et ce, tant dans un contexte de communication sensible, de bad buzz ou de crise. Selon le cas, l’entreprise peut opter pour une reconnaissance complète de la faute, une reconnaissance partielle ou même faire le choix du Mea culpa par l’humour et la dérision. Bien que cette dernière stratégie reflète un usage intelligent des codes qui régissent les médias sociaux numériques, il s’agit néanmoins d’une approche plus délicate réservée aux communicateurs chevronnés.
  2. La diversion du public par des sujets annexes
    Aussi connue sous le nom de « stratégie du projet latéral » (Thierry Libaert, 1999), cette approche s’appuie sur une communication autour de sujets connexes. Nous ne parlons pas ici de changement de sujet, mais bien d’une décontextualisation basée sur la transparence et sur la crédibilité. « Le débat, tout en restant fidèle à la réalité de la problématique de la crise, est déplacé sur un autre aspect. La contre-attaque adressée aux entreprises concurrentes est souvent privilégiée. » (Manga, 2018) Il s’agit ici de dévoiler au grand jour à qui profite la crise; trouver dans les autres entreprises un « alibi naturel ». Dans les situations où les entreprises optent pour cette stratégie, la responsabilité est alors imputée à l’externe. Il est même possible de pousser cette démarche jusqu’au registre de la victimisation. Par contre, il est important de noter que « la diversion est une stratégie de complément qui peut accélérer la sortie du bad buzz, mais qui ne dispense pas de répondre aux interrogations des internautes » (M. Muzzard, 2015).
  3. La résistance à la crise par la « stratégie du refus »
    Il arrive parfois, peut-être trop souvent, que « l’entreprise refuse toute déclaration dès le début de la crise ou interrompt la discussion (au risque de l’alimenter) pendant une courte période » (Manga, 2018). Cette stratégie est basée sur la croyance selon laquelle les choses finiront par se calmer d’elles-mêmes, que la crise médiatique ne peut pas durer éternellement. Elle se traduit par un mutisme ou une inaction persistante de l’entreprise, pendant que les médias socionumériques s’enflamment. « Les recours en justice, la censure, le rejet de toute responsabilité ou la désignation d’un coupable sont tous des moyens liés à cette stratégie. » (Manga, 2018) Bien que cette approche puisse minimiser les conséquences de la crise, elle est généralement à proscrire puisqu’elle va à l’encontre d’une communication engageante, transparente et cohérente. Les seuls cas où il serait conseillé de l’utiliser sont ceux, plus légers, où l’on se moque de l’entreprise, sans toutefois exprimer de la colère. Le silence peut alors suffire pour atténuer le buzz rapidement. Cependant, « [p]lus souvent, ne pas prendre position en situation de crise ne revient qu’à n’avoir aucune prise sur le phénomène » (Manga, 2018).

Quelle que soit la stratégie que privilégie l’entreprise, elle doit se bâtir à partir du lien de confiance entre sa marque et les internautes, préalablement développée par l’entremise d’une bonne e-réputation. En effet, « [l]es marques qui cultivent une proximité, une authentique interaction avec leurs clients ont plus de chance de résister en temps de crise, tant leur bonne perception par les clients instaure une quasi-immunité les rendant facilement pardonnables » (Manga, 2018). En présentant un discours axé sur la confiance, les entreprises arrivent parfois à désamorcer la crise en « présentant un simple mea culpa qui consiste à reconnaître que l’erreur est humaine, tout en mettant de l’avant leur capacité d’agir pour instaurer des solutions durables » (Manga, 2018).

Source principale

MANGA, Xavier. 2018. La communication de crise à l’ère des médias socionumériques. Collection communication et relations publiques. Québec : Presse de l’Université du Québec, 188 p.

Sources secondaires

LIBAERT, Thierry. 1999. Communication de crise, le choix des messages. Humanisme et Entreprise. « https://www.tlibaert.info/communication-de-crise-le-choix-des-messages-humanisme-et-entreprise-septembre-1999-repris-in-la-revue-de-la-gendarmerie-nationale-3eme-trimestre-2001/ » Consulté le 4 octobre 2018.

MUZARD, Marie. 2015. Very bad buzz : méthode pour préserver sa réputation sur Internet. Collection Marketing. Paris : Éditions Eyrolles, 312 p.

PROULX, Serge. 2017. L’injonction à participer au monde numérique. Communiquer, no. 20, https://journals.openedition.org/communiquer/2308, consulté le 4 octobre 2018.

 

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