Observatoire des médias sociaux en relations publiques

Archive for février, 2017

Médias sociaux et influenceurs, un heureux casse-tête

Posted on: février 24th, 2017 by Mikaël Morrissette No Comments

Depuis l’émergence de la théorie du two step flow sur l’influence personnelle proposée par Katz et Lazarsfeld, la notion d’influenceur s’est grandement développée, notamment avec le foisonnement des médias sociaux. Pour Heiderich et Maroun (2014), les leaders d’opinion sur les réseaux sociaux sont des internautes apportant du contenu à valeur ajoutée sur un enjeu donné dont ils se réclament avoir les compétences. Amplification de la portée d’un message, augmentation de la crédibilité d’une campagne, sentiment de confiance envers l’organisation, les avantages à recourir à un influenceur lors d’une campagne sur les réseaux sociaux fourmillent. Mais attention, qui s’y frotte s’y pique ! Encore faut-il savoir identifier la bonne personne pour véhiculer notre message.

Typologie

Dans son ouvrage fort intéressant portant sur le marketing d’influence à l’ère du numérique, Raymond Morin identifie 5 grands types d’influenceurs à repérer dans les réseaux lors de l’élaboration d’une campagne en ligne. Diviser en deux principales catégories, cette typologie distingue les influenceurs à l’échelle macro et au niveau micro.

1)    Les célébrités

La majorité des utilisateurs associe la notion d’influenceur aux célébrités. Il est en effet difficile d’ignorer les vastes auditoires fidèles que rejoignent ces personnalités. Se hiérarchisant dans la catégorie macro, Morin précise que « leur influence se mesure uniquement par l’importance de leur auditoire, et la portée de leur message » (2015 : 64). Les célébrités s’avèrent particulièrement utiles lors d’un lancement de produits, d’évènements publics de grande envergure ou encore pour endosser des causes à grande échelle.

2)    Les leaders d’opinion

Initialement proposée dans un cadre politique, la notion de leader d’opinion s’étend beaucoup plus largement à l’ère des réseaux sociaux. Sur le Web, les leaders d’opinion bénéficient également d’un vaste auditoire, mais ce qui les distingue, c’est la crédibilité et l’autorité que les utilisateurs leur confèrent. « Ce qui les motive davantage, est d’augmenter leur influence, et créer une valeur ajoutée pour leur auditoire » (Ibid). Les YouTubers, les Instagramers, les influenceurs Snapchat et les blogueurs sont parmi ceux jouissant d’une grande notoriété en sol nord-américain. À long terme, une relation de confiance s’installe entre les utilisateurs et le ou la leader, d’où la pertinence pour les organisations d’y recourir.

3)    Les diffuseurs

Les trois derniers types identifiés par Morin se situent davantage à l’échelle micro. Les diffuseurs s’inscrivent dans une perspective d’amplification et de diffusion massive du message, augmentant ainsi considérablement la portée de l’information. « Leurs interventions spontanées seront le plus souvent motivées par le souci de partager en premier l’information avec leur communauté » (2015 : 65). Journalistes spécialisés, chroniqueurs, professionnels ou experts d’un domaine, les diffuseurs partagent leurs avis et recommandations.

4)    Les super-utilisateurs

Les super-utilisateurs se sont littéralement multipliés avec l’émergence des plateformes de partage et de recommandation. Les consommateurs s’informent de plus en plus avant de transiger avec les marques et l’e-réputation des organisations influence grandement les décisions. Ce segment est au cœur de la majorité silencieuse… qui finit toujours par se manifester et s’exprimer. « Même si, à première vue, leur réseau n’est pas aussi important que celui des autres types d’influenceurs, l’impact de leurs recommandations ne doit pas être négligé » (Ibid). Employés, partenaires, clients satisfaits ou mécontents, Morin précise que les super-utilisateurs représentent le bassin d’ambassadeurs potentiels le plus important.

5)    Les influenceurs-reporters

Morin clôture sa proposition de typologie en évoquant une dernière catégorie se développant conséquemment aux nouvelles habitudes des publics. Le scepticisme croissant des consommateurs envers les sources d’informations et les relations de presse traditionnelles engendre en effet un accroissement de ce que Morin nomme les influenceurs-reporters. « Pour des lancements de nouveaux produits, ou pour une activité corporative, l’impact d’un influenceur-reporter auprès du public-cible aura souvent plus d’impact que les relations médias » (2015 : 66).

Pratique pérenne ?

Malgré tout, si le fait d’identifier les influenceurs dans une communauté est une chose, les convaincre d’agir en tant qu’ambassadeurs pour l’organisation sur les médias sociaux est une autre paire de manches. Voilà un défi intéressant pour les organisations, qui doivent se montrer davantage créatives dans leurs approches.

À la lumière des tendances observables sur les médias sociaux, de plus en plus d’organisations ont recours aux influenceurs sur ces plateformes. Avec la logique du earned media qui prévaut à celle du paid media sur les réseaux sociaux (dans Boussicaud et Dupin, 2012), il est permis de se demander si les utilisateurs accorderont encore longtemps de la crédibilité aux leaders d’opinion, sachant que certains reçoivent des compensations importantes de la part des organisations.

 

Sources

Boussicaud, Ronan et Antoine Dupin. 2012. Tout savoir sur … La marque face aux bad buzz : Anticiper et gérer les crises sur les médias sociaux. Éditions Kawa. 253 pages.

Heiderich, Didier et Natalie Maroun. 2014. « Relations publiques de crise : nouvelle approche structurelle de la communication en situation de crise ». Synthèse des travaux de l’Observatoire International des Crises. En ligne. URL : http://www.communication-sensible.com/download/Relations-publiques-de-crise.pdf. Consulté le 22 février 2017.

Morin, Raymond. 2015. Tout savoir sur … Génération C(onnectée) – Le marketing d’influence à l’ère numérique. Les Éditions Kawa. 117 pages.

Médias sociaux et acceptabilité sociale

Posted on: février 6th, 2017 by Mikaël Morrissette No Comments

À une ère où les réseaux sociaux font partie intégrante des stratégies communicationnelles des entreprises et où les préoccupations environnementales s’inscrivent de plus en plus comme des enjeux prioritaires, la notion d’acceptabilité sociale apparaît comme une condition essentielle à l’avènement d’un projet de développement. Débat entourant la construction des parcs éoliens, gestion des cours d’eau, immigration, aide médicale à mourir, les exemples ne manquent pas pour s’imprégner du fait que l’acceptabilité sociale s’impose comme un élément incontournable.

 

Mines d’or d’informations

Bien qu’il n’existe pas de définition scientifique consensuelle quant au concept d’acceptabilité sociale, cette notion renvoi généralement au « résultat d’un processus par lequel les parties concernées conviennent ensemble des conditions minimales à mettre en place pour qu’un projet s’intègre harmonieusement, à un moment donné, dans son milieu d’accueil » (Caron-Malenfant et Conraud, 2009). Ce serait la résultante d’un dialogue entre les promoteurs de projet et les communautés concernées, une forme de contrat social tacite entre la population et une entreprise ou le gouvernement. À cet égard, puisque les débats prennent de plus en plus place sur les réseaux sociaux, ces outils apparaissent donc comme étant des mines d’or d’informations afin de tâter le pouls de la population sur un enjeu précis.

Les médias sociaux n’ont toutefois pas que des effets positifs pour les entreprises en matière d’acceptabilité sociale. S’ils permettent de collecter des données, il n’en demeure pas moins que la rapidité de propagation de l’information facilite l’implication et la mobilisation des citoyens s’opposant à une idée. Les pétitions en ligne gagnent en importance et il est désormais possible pour des petits groupes de convaincre un vaste auditoire et ainsi faire pression sur les autorités. En effet, ils ont plus de moyens de se faire entendre à moindres frais. Nombre de projets se sont d’ailleurs heurtés à des levées de boucliers, dont celui d’Énergie Est de Trans-Canada face au mouvement Coule pas chez nous, et, plus récemment, le projet de forage et d’exploitation pétrolière sur l’Île d’Anticosti.

L’envers de la médaille

Dans ce contexte d’instantanéité, les organisations doivent donc se préparer stratégiquement à faire face à l’opposition sur les réseaux sociaux. Ainsi, en plus de l’exigence de transparence qui prévaut, répondre aux inquiétudes rapidement afin d’éviter que le débat s’échelonne dans le temps apparaît comme un bon moyen d’éviter un bad buzz à l’avantage des opposants.

Malgré tout, certains s’insurgent de l’importance que l’on accorde à ce concept. Dans un billet fort bien structuré, Mathieu Santerre, de L’Orange bleue Affaires publiques, dénonce la tendance à présenter l’acceptabilité sociale comme un substitut au fonctionnement de nos institutions démocratiques. « Transparence, équité et consultation : ces trois choses ne sont pas la fameuse résultante d’une politique avancée d’acceptabilité sociale, c’est le strict minimum en démocratie si vous voulez assurer la légitimité politique de votre projet » (dans Le Devoir, 2016 : En ligne).

 

Somme toute, il y a fort à parier que l’importance relative des médias sociaux dans les processus de consultations publiques ne fera que croître avec l’aisance numérique de la population. Avec la professionnalisation des pratiques de relations publiques, il sera fort intéressant d’observer si les stratégies communicationnelles des organisations migreront vers ces plateformes pour faire changer l’acceptabilité sociale en leur faveur lors d’un projet controversé.

 

Sources 

Caron-Malenfant, Julie et Conraud, Thierry. 2009. Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexions et d’action. Montréal : Éditions D.P.R.M. 60 p.

Santerre, Mathieu. 2016. « L’acceptabilité sociale, un concept cynique ». Le Devoir. En ligne. URL : http://www.ledevoir.com/politique/quebec/465467/l-acceptabilite-sociale-un-concept-cynique. Consulté le 01 février 2017.